Bénédict Beaugé, chroniqueur de la gastronomie, membre des Bibliothèques Gourmandes, auteur de nombreux articles dans Papilles, publie un nouvel ouvrage dont l’intérêt ne peut nous échapper.Nous ne faisons que l’annoncer pour en faire une analyse dans un prochain numéro de Papilles.
En attendant, voici la description de l'ouvrage par l'éditeur
Aujourd’hui encore la plus grande partie de l’humanité ne se soucie pas de nouveauté culinaire. Bien au contraire, l’idée même de ne pas rattacher à la tradition cet acte si fondamental et symbolique peut paraître inconcevable. Pur produit de la civilisation occidentale, de cette conscience individuelle qui se manifeste à partir de la Renaissance et des mécanismes de distinction et d’imitation qui lui sont liés, cette notion n’a même concerné qu’une frange de la population jusqu’à récemment. Elle a donc une histoire. Ce qui ne laisse pas d’étonner quand on constate comme elle est aujourd’hui inhérente à nos comportements alimentaires, en particulier lorsqu’ils sont chargés de connotations esthétisantes ou hédonistes, multipliées par la surmédiatisation actuelle de la cuisine. Cette histoire débute en France, au milieu du XVIIe siècle. Le livre se divise en trois parties : la première, historique, et la deuxième, sociologique, couvrent la période allant de l’origine — 1651, date de publication du Cuisinier François de François Pierre La Varenne — jusqu’à la consécration de la Nouvelle Cuisine par Gault et Millau en 1973, qui ont constitué l’une et l’autre des ruptures décisives. Ces deux parties parlent en premier lieu de ce qui se passe en France, celle-ci occupant alors une place prépondérante dans ce domaine. La troisième partie traite de ce qui se passe dans l’univers de la cuisine depuis cette date, dans un contexte désormais globalisé. La cuisine devient, dès le début du XVIIIe siècle, objet de spéculations intellectuelles qui l’entraînent sur le terrain de l’esthétique, discipline qui naît au même moment. Le restaurant lui offre un lieu où peut se former un public. Le XIXe siècle, quant à lui, voit apparaître la notion du cuisinier créateur qui s’épanouit à partir de l’entre-deux guerres et triomphe avec la Nouvelle Cuisine. Libérant les cuisiniers de toute référence à une quelconque tradition et les sommant d’être inventifs, elle est avec la globalisation, la cause principale du développement mondial de la cuisine et de l’apparition, ici et là, de grandes cuisines nationales. Aujourd’hui, le débat autour de la cuisine semble se réduire bien souvent à des questions d’esthétique. En ce sens, le courant moderniste, incarné par ce que l’on a appelé « cuisine moléculaire », a accentué cette tendance. Il est à craindre qu’une esthétisation galopante vienne à bout de toute réflexion approfondie sur la perception gustative. Est-ce la fin de la gourmandise ? Certaines transformations récentes du restaurant tendent à le faire croire. Les revendications pour plus de convivialité, sous la forme de pratiques nouvelles de celui-ci, la « bistronomie » entre autres, semblent le confirmer.Il paraît urgent de retrouver un équilibre : face à un cuisinier devenu omniprésent et quelque peu autocrate, les « gastronomes » doivent s’interroger sur leurs pratiques, afin de mieux percer les secrets de leur gourmandise et pouvoir, alors, revendiquer celle-ci bien fort.