Le luxe alimentaire : une singularité française
Auteur : Vincent Marcilhac
Editeur: éditions Presses universitaires de Rennes, Presses universitaires François-Rabelais de Tours
Billet de Marie-Claude Maddaloni.
Cet ouvrage, issu d’une thèse de doctorat, appuie son cadre théorique sur le modèle défini par le sociologue Lucien Karpik dans L’économie des singularités : « le modèle de l’originalité : le produit du luxe alimentaire se définit comme unique ou rare » et « le modèle de la personnalisation : le produit du luxe alimentaire est un produit personnalisé, sur mesure ».
Mais pourquoi : « une singularité française » ? Cette prépondérance de la France s’explique entre autres par « le poids historique… lié à l’héritage de la monarchie française auquel le comité Colbert (association regroupant, en 2012, 75 maisons françaises de luxe) se réfère ».
Depuis le XVIIe siècle, la France a construit son image autour du luxe. Dans le domaine du luxe alimentaire, la publication, en 1651, du "Cuisinier français" de François de la Varenne marque le début du modèle gastronomique français mais « c’est au XIXe siècle que s’établit une véritable hégémonie française sur la scène culinaire internationale ».
La première partie de l’ouvrage analyse, en s’appuyant sur des enquêtes, des sources écrites (guides, revues spécialisées…), des questionnaires, ce qui fait la spécificité du marché du luxe alimentaire français : le mystère du produit, de sa fabrication, le pouvoir de la marque, la valeur symbolique qui en découle et qui est promesse de qualité. A cela s’ajoutent les lieux de commerce : grands restaurants où « les grands chefs sont passés du statut d’artisans à celui d’artistes reconnus et honorés » et boutiques alimentaires de luxe, lieux uniques et emblématiques.
Un luxe célébré, plus particulièrement, par Paris et les beaux quartiers de l’ouest parisien où sont installés 40 % des restaurants triplement étoilés (en 2011) et la plupart des marques alimentaires de luxe.
Pourtant, cette situation dominante est aujourd’hui menacée. Dans la deuxième partie de son ouvrage, Vincent Marcilhac, analyse les raisons de « la remise en cause de cette singularité du luxe alimentaire français » : difficultés structurelles (coûts élevés) et conjoncturelles (crises économiques, effets de mode), « menace » d’une intégration dans de grands groupes mondiaux, position dominante des grandes surfaces, ambigüité du e-commerce.
Tous ces facteurs risquent de contribuer à une « uniformisation » du luxe alimentaire français. Face à la mondialisation de la concurrence, « la valorisation patrimoniale et touristique » peut être une réponse, comme peut l’être, pour Vincent Marcilhac, « l’impérieuse nécessité de revaloriser les filières d’excellence de l’artisanat alimentaire français ».
Riche bibliographie.