Petite histoire
Billet d’après France Matin du 7 janvier 2014.
Le premier dimanche de janvier, les chrétiens ont prit l'habitude de se réunir pour désigner, à l'aide d'une fève glissée dans un gâteau, un roi ou une reine : l’origine en serait la présentation de l'enfant Jésus aux Rois Mages -Melchior, Gaspard et Balthazar-, porteurs de précieux présents : l'or, l'encens et la myrrhe.
Pour d’autres, cette coutume remonterait aux temps des Romains qui célébraient à l'occasion des Saturnales, fêtes païennes de début janvier, la fête des lumières symbolisée par l’allongement du jour : l’esclave qui trouvait la fève dans la galette devenait l’empereur d’un jour.
Bien vite, la fève fit place à des pièces d'or puis à de petits objets de porcelaine : roi, reine, petit Jésus, baigneur, étoile, cœur, animaux, couronne, etc. De nos jours, ces nombreuses petites fèves s'illustrent dans de belles collections, pour le plus grand bonheur des fabophiles. "Je serai deux fois roi", murmurait le petit Louis XIV en espérant trouver le petit ornement.
Bien avant lui, Louis III, duc de Bourbon, offrait à des enfants pauvres une part de galette contenant la fève, les couronnait, les revêtait d'habits royaux, leur offrait de l'argent et les envoyait à l'école, rappelle la Confédération nationale de la pâtisserie.
En 1521, la coutume de l'Epiphanie mit en péril la vie de François Ier au cours d'une "guerre pour rire" pour reconquérir son titre, après que le duc de Saint-Pol hérita de la fève. Cette "guerre" fut menée de nuit à coups d'œufs durs et de galettes... jusqu'à ce qu'une torche éclairant le champ de bataille tombât sur la tête du "vrai" roi, le brûlant cruellement.
La galette, ronde et plate, à l'origine faite de pâte plutôt lourde, s'allégea et devint par la suite multiple : feuilletée, demi-feuilletée, dite "de plomb", bâtarde, de Madrid, de Suisse, bretonne, normande, fondante, du Périgord, salée... En Aquitaine, c'est une brioche en couronne truffée de fruits confits et de sucre en grains ; dans le Sud-est, on la trouve également sous forme de pâte briochée (pogne de Romans, fougasse, pompes de Provence.). L'affinage de la pâte feuilletée fit de la galette des rois un gâteau délicieusement léger, fleurant bon le beurre et le fondant.
Ce fut la seconde épouse d'Henri IV, Marie de Médicis, qui, en quittant l'Italie, se fit remettre la recette d'une crème à la poudre d'amande, élaborée par le cuisinier de son plus proche soupirant, le comte Frangipani. La recette plut à la Cour de France et est toujours appréciée de nos jours.
En 1717, la galette fut à l'origine d'un différend célèbre entre pâtissiers et boulangers, et le Parlement, au terme d'un débat juridique important, interdit à ces derniers l'utilisation du beurre et des œufs.
Bien évidemment déclarée "anticivique" sous la Révolution, elle franchit ce cap difficile sous la forme d'un bonnet phrygien... pour reprendre à la première occasion sa forme originelle.
Il n'y aura finalement en France qu'une seule personne qui même si elle mange la galette en entier ne pourra pas être roi, c'est François Hollande : tous les ans, des artisans boulangers offrent une galette au chef de l'Etat, mais sans fève dedans, pour éviter que le président de la République ne se retrouve monarque.
Aujourd’hui, 95% des français la consomment, ce qui représente environ 15% du chiffre d’affaires annuel des boulangers-pâtissiers.
Voilà bien une sympathique tradition royale pour un peuple qui décapita son roi.