Un après-midi à Versailles

 

 

Jean-Philippe Rameau

et les plaisirs de la table  

Billet de Marie-Claude Maddaloni

 

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« Michel-Barthélemy Ollivier (1712-1784) dans son tableau Souper du Prince de Conti au palais du Temple (1766 - Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon) a conservé le souvenir de ces soirées où les plaisirs de la table sont accompagnés par la musique la plus moderne » *. Le talent des maîtres queux n’exige-t-il pas « des palais délicats, comme à un profond Musicien des oreilles fines & savantes » **

Mais en ce dimanche après-midi du mois de mars 2014, année du 250e anniversaire de la mort de Jean-Philippe Rameau, au cœur du Grand Trianon, il n’y a pas de table, juste la musique « moderne » de ce « distillateur d’accords baroques » comme l’appelait avec mépris le poète et dramaturge, Jean-Baptiste Rousseau en 1739, mais que D’Alembert qualifiait d’ « artiste philosophe ». Juste le clavecin ! « Toute son âme & son esprit étaient dans son clavecin ; quand il l’avait fermé, il n’y avait plus personne au logis »***.

Nos « palais délicats » mis en éveil en écoutant La Triomphante, La Poule, Fanfarinette, Gavotte et autres pièces attendraient bien le soir pour être satisfaits. Il faut dire que « dans le paysage parisien de l’époque de Louis XV, la longue silhouette de Jean-Philippe Rameau » sait arpenter aussi bien « les Foires et l’Académie royale de musique, les salons parisiens et la cour… » *. C’est ainsi qu’on le rencontre, « le verre de bourgogne à la main » *, dans ces dîners interminables réunissant les membres de la Société du Caveau, où sont joués « les airs du compositeur, parodiés sous forme de vaudevilles et de chansons. » *. Mais on le retrouve aussi, à partir de 1736 et pendant près de vingt ans, au service d’Alexandre Jean-Joseph Le Riche de La Pouplinière où il organise, dans les demeures parisiennes du fermier-général, des concerts privés où la musique, la danse comme les autres Beaux-Arts s’harmonisent avec la cérémonie du repas.

Dans cette fête de tous les sens que recherche la culture aristocratique française du XVIIIe siècle, je voudrais rapprocher deux textes, celui de Menon en 1749 : « Sera-ce donc trop s’avancer que de placer les apprêts de la Cuisine moderne parmi les causes physiques qui du sein de la Barbarie ont rappelé parmi nous le règne de la politesse, des talents de l’esprit, des Arts & des Sciences » et celui de Jean-Philippe Rameau, dans son Code de musique pratique de 1760 : « mais c’est à l’âme que la musique doit parler […]. Dès qu’on sait choisir dans le rapport des Tons celui qui a le plus d’analogie avec le rapport du sens entre les phrases qui se succèdent. En un mot, l’expression de la pensée, du sentiment, des passions, doit être le vrai but de la Musique ». Un nouvel art de vivre dans le XVIIIe siècle français.

 

 

* Regards sur la musique…au temps de Louis XV, textes réunis par Jean Duron, Centre de Musique Baroque de Versailles, éditions Mardaga, 2007.

** Menon, La science du maître-d’hôtel cuisinier, 1749.

*** Alexis Piron, Lettre à M. Maret, 1760.

Michel-Barthélemy Ollivier
Michel-Barthélemy Ollivier