Sucre et miel

Colloque international. 

organisé par organisé par le Laboratoire des Études Maghrébines, Francophones, Comparées et Médiation Culturelle.  

Sucre et Miel . 

Les 16 et 17 mai 2014

Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de Manouba (Tunisie)

 

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En parcourant la longue histoire du miel, nous apprenons qu’il s’agit d’un produit essentiellement (re)connu pour ses qualités diététiques. Depuis l’Egypte pharaonique, le miel est également entré dans divers mixtures et potions cosmétiques, curatives, voire aphrodisiaques. Dans le Coran, le miel est évoqué au moyen d’une périphrase colorée aux versets 68-69 de la sourate « Les Abeilles » : « ton Seigneur a inspiré aux abeilles : “établissez vos demeures dans les rochers, les arbres et les ruches aménagées par les humains ! Mettez-vous ensuite à butiner ! Suivez les voies de votre Seigneur, telles qu’il les a frayées pour vous !” Une liqueur aux nuances variées, aux effets salutaires pour les humains est secrétée par l’abdomen de ces insectes. Encore un Signe pour ceux qui réfléchissent. » Paradoxe de ce XXIème siècle, les ravages des pesticides, dans les zones agricoles, font que le miel élaboré sur les toits parisiens est plus sain et bio que celui qui provient de plusieurs campagnes.

 

Si le miel est bien connu depuis l’Antiquité, le sucre en revanche est un produit qui s’est répandu surtout au Moyen Âge. La canne à sucre, plante tropicale, s’est diffusée depuis l’Extrême-Orient ; elle a suivi alors les conquêtes musulmanes d’est en ouest. Ce sont probablement des moines nestoriens installés dans le sud-ouest de l’Iran qui ont mis au point les techniques de transformation de cette plante en un produit raffiné. Les médecins de la cour des califes abbassides de Bagdad ont utilisé ce produit pour la préparation de médicaments et de confiseries.

 

Omniprésents dans nos cuisines, le miel et le sucre, qui ont eu une histoire parallèle dès l’Antiquité la plus lointaine, en Égypte par exemple, marquent aussi nos manières de dire les choses et les hommes. La douceur et les sensations (gustatives) agréables de ces produits contrastent, parfois, avec les nuances de certaines expressions. On y soupçonne, probablement, un goût raffiné dénaturé par la démesure et l’excès. Les mœurs, gâtées et perverties, trouvent alors dans les aléas du (dé)goût des sensations qui se passent des mots et parfois même de mots. Du temps où l’argot sucrer signifiait « maltraiter », on a forgé l’expression casser du sucre sur le dos de quelqu’un, alors que des paroles mielleuses sont caractéristiques d’un comportement affecté voire hypocrite. « Trop de miel vire à l’insipide », dit le proverbe tunisien. Lieu, par excellence, de la syntaxe des saveurs et des paroles, la bouche devient métaphore langagière et gustative. « Gare à la flatterie, ma fille : trop de sucre gâte les dents », lit-on dans une des Lettres de Madame de Sévigné. La douceur excessive est souvent fâcheuse. Les nuances de l’amer et de l’acide s’opposent au sucré lorsqu’il s’agit de distinguer le langage cru et direct des artifices avec lesquels la langue adoucit la brutalité de certaines formules. Dans une analyse qu’il fait de « l’euphémisme », Abderrazzak Bannour précise que « c’est ce filtre sur la bouche, enduit sucré, comme l’indique son origine grecque (…) "employer des expressions de bon augure" ».

 

Les lexicologues nous apprennent que le goût du « sucre » et ses tonalités traversent les codes et les idiomes. C’est un mot dont les sonorités résonnent et persistent dans la plupart des langues du monde. Le terme provient du sanskrit sarkara ; il signifie « gravier » ou « sable », voire une substance ayant la forme de petits cailloux. Il a donné à travers le dialecte prakrit le mot sakara, passé en grec sakkaron et en latin saccharum. Le même mot sanskrit a donné en persan et en arabe al-sukkar/سكّر. De ces mots dérivent les termes entrés dans les différentes langues européennes pour désigner le sucre : zucchero en italien, Zucker en allemand, sugar en anglais, azúcar en espagnol, sucre en catalan et azucar en portugais. Dans le Nouveau Dictionnaire françois de Richelet, nous pouvons lire que « le sucre d'orge est bon pour ceux qui ont peine à cracher des flegmes ». Le Dictionnaire des proverbes françois d'André Joseph Panckoucke précise que l'expression C'est tout miel et tout sucre… « se dit d'un homme doucereux », tandis que faire la sucrée revient à « faire la ranchérie, la réfervée, la précieuse, la sage, contrefaire la dévote ». Un proverbe marocain nous présente celui qui cherche des problèmes comme étant une personne qui « enduit sa tête de miel et l'introduit dans la ruche ».

 

Ingrédients essentiels des breuvages et des mets préférés des dieux et des prophètes, miel et sucre marquent les lettres et les arts. Shakespeare, dans Comme il vous plaira, en fait une image, dense, pour dire la perfection de certains êtres : « La vertu accouplée à la beauté, c’est le miel servant de sauce au sucre ». Un chef de file du surréalisme ira jusqu’à mêler le goût sucré à d’autres sensations, chromatiques, tactiles, olfactives, pour tisser une image du bonheur : « Le bonheur est un seul bouquet : confus léger fondant sucré » (Paul Éluard). Victor Segalen fait du « goût sucré » une des saveurs marquantes de son existence de voyageur assoiffé d’absolu : « S'il te plaît de sucer encore la vie au goût sucré, aux âcres épices », lit-on dans Stèles. Curieux destin que celui de ces goûts dont la douceur sécrète des expressions et des langages qui cristallisent le sel de nos maux et l’amer-tume de nos expériences.

 

Le colloque se propose de décliner les saveurs et les idées associées au sucre et au miel.

 

 

Plus de renseignements et inscription gratuite.