Croc, Croc...

 

 

Le Parfum de la carotte d’Arnaud Demuynck 

Réalisateur : Arnaud Demuynck  

Billet de Vincent Chenille.  

 

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Sorti le 9 avril 2014, Le Parfum de la carotte est un long métrage destiné à être vu par les plus jeunes ; c’est la raison de sa durée : 45 minutes. Qui plus est, il s’agit d’un assemblage de plusieurs courts métrages, dont le plus long est justement Le Parfum de la carotte. Chaque court métrage a un réalisateur différent, avec des dessins plus ou moins élaborés, cependant le producteur est identique (Arnaud Demuynck) et la carotte est bien l’objet central commun.

 

Le premier court métrage, La Confiture de carottes, a une démarche pédagogique bien comprise. Il s’agit de donner envie aux tout-petits de manger des légumes, en l’occurrence des carottes, à travers une recette sucrée, et donc susceptible de leur plaire. Ce court métrage est un des rares exemples au cinéma de recette de cuisine présentée dans son intégralité.

 

La figure humaine est pratiquement absente de ce programme, excepté dans le second court métrage, La Carotte géante, dans lequel un couple avec enfant essaie de déterrer une carotte géante. N’y parvenant pas, ils sont aidés par un chien, un chat et une souris, pour arriver à la sortir. Après cet effort commun, les animaux sont installés à la même table que les humains, sur un pied d’égalité. Dès lors, les animaux, seuls présents dans les courts métrages suivants, peuvent être considérés aussi bien comme des humains que comme des animaux. Et d’ailleurs leur consommation est autant humaine qu’animale. Dans Le Petit Hérisson partageur, qui se déroule en pleine nature, une souris apporte du fromage au pot commun (qui comprend pomme, carotte, noisette, fruits de la cueillette). Et, dans Le Parfum de la carotte, un lapin et un écureuil font la cuisine : carottes en brochette ou bien en gâteau.

 

Chaque animal / humain est porteur d’une spécialité : le lapin la carotte, l’écureuil la noisette, la souris le fromage et le hérisson la pomme, façon d’illustrer la diversité culturelle des plantes, mais aussi des individus. Cette diversité est montrée comme porteuse de richesses : quand la pomme du hérisson a été mangée par tous les animaux, et que la faim est toujours là, chacun va chercher sa spécialité pour la partager à son tour. Mais lorsqu’il y a intolérance, lorsque l’écureuil en a assez des divers plats aux carottes, il y a séparation des animaux avec la menace de se faire dévorer à son tour par le renard.

 

Comme il y a assimilation entre animaux et êtres humains, les amateurs de viande animale deviennent identiques à des chasseurs d’humains. C’est l’image du chasseur mâle qui véhicule la méchanceté. Le renard mâle est un chasseur qui veut attraper le lapin et l’écureuil pour les manger, alors que la renarde tente de faire son éducation. Tout juste mange-t-elle des vers de terre (nos futurs plats d’insectes, sans doute) en incitant le mâle à manger du gâteau aux carottes. Cette méchanceté du chasseur est aussi présente dans La Carotte géante. Après l’avoir cueillie ensemble et partagée lors d’un repas, les animaux retrouvent leurs vieilles querelles de chasseurs : le chat veut de nouveau poursuivre la souris, et le chien le chat. Seule la cueillette, qui nécessite toutes les mains, les oblige à être ensemble et à vivre en harmonie.

 

L’ambition du Parfum de la carotte n’est pas seulement de donner envie aux enfants de manger des carottes, mais d’adopter un régime végétarien, parce que c’est bon, c’est divers, mais aussi parce qu’il permet de régler les divisions culturelles. Ainsi tout le monde est-il rassemblé autour des carottes, choux, aubergines, tomates, pommes et noisettes (il y a juste la lassitude de l’écureuil à manger tout le temps des carottes). L’histoire ne dit pas que le rejet de la viande est une intolérance aux carnivores. La chose est entendue, à l’image du renard, ceux-ci doivent se convertir.

 

On pourrait prendre Le Parfum de la carotte juste pour un conte pour enfants, si, au même moment, ne sortait sur les écrans un film pour adultes porteur du même discours. Mais cela nous le verrons une prochaine fois…