Extrait de Souvenirs d’auberge
Paul Harel, le poète-aubergiste (1854-1927)
Billet de Patricia Moisan.
Quel désir, en moi réveillé
Me fait rêver pots et terrines ?
Un goût suret de lait caillé
Me gratte le fond des narines ;
Ma luette en a le frisson,
Ma langue en goûte le ramage
Et je sens naître une chanson
Sur le fromage
Poètes Bretons et Normands
Pléiade aimable et charitable
D’esprits fins et de fins gourmands,
Restez, restez encore à table.
Après les tripes d’Eschauffour
Dont l’hôtelier vous fît hommage
Le fromage vient à son tour
Place au fromage !
Peintres et sculpteurs d’avenir
Poètes d’un grand caractère
Recueillez-vous, voici venir
Tous les fromages de la terre.
Amis, le rôti n’est pas loin,
Mais il serait vraiment dommage
De n’avoir plus un petit coin
Pour le fromage.
Sur table, ils sont tous apportés,
Les élégants et les difformes !
Que de nationalités !
Que de nuances !que de formes !
Jeanneton de loin a souri,
Elle a même fait une image
En voyant la dent du jury
Sur le fromage.
Hollande, Chester, Parmesan,
Pont-l’Evêque, Rollot, Gruyère,
Neufchâtel, Mont-d’or… Goûtez-en
Aimez-vous l’herbe ou la bruyère ?
En fait de couleur et de goût
Un chacun juge à son image,
La friandise touche à tout,
Même au fromage.
(…)
Fromages gras, écumant
Ne viennent point de la Garonne,
On les fait au pays Normand
Et chez les Bretons en automne.
Mangeons, Normands ; Bretons, buvons ;
Fêtons ces frères du même âge !
Gloire au sol à qui nous devons
Cidre et fromage !