L’actualité des sorties vidéos

Le jour se lève / Alien

The rover / Affreux sales et méchants / Un roi à New York / Fahrenheit / La conquête de l'espace / THX 1138 

Billet de Vincent Chenille 

 

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Retour aux Archives de novembre 2014

L’actualité des sorties vidéos, DVD et Blu-Ray peut être aussi l’occasion de découvrir ou redécouvrir des films avec des scènes ou des séquences alimentaires remarquables. Ce mois-ci, on peut noter la sortie de nouvelles éditions enrichies de deux classiques, Le jour se lève de Marcel Carné (1939) et Alien de Ridley Scott (1979).

Le jour se lève est à noter pour l’anecdote. Dialoguée par Jacques Prévert, une scène présente les ouvriers sableurs à l’usine, qui boivent du lait pour protéger leur organisme du sable ; et tout particulièrement l’ouvrier Gaston, dont le lait qu’il consomme est singulier, puisque la vache dont il a été tiré broutait essentiellement du raisin !

Plus sérieusement, Alien nous offre la scène d’indigestion la plus spectaculaire de l’histoire du cinéma. Ames sensibles s’abstenir, puisque la paroi abdominale y est perforée en gros plan. Kane, un astronaute du Nostromo a été contaminé par un parasite sur une planète. Il accouche d’un monstre, un alien, par le ventre. La fin des années 70 est encore très marquée par les mouvements féministes de la décennie, et il y a un souci d’inverser les rôles dans le film. Ainsi l’homme d’action du film est une femme, le lieutenant Ellen Ripley, et c’est un homme qui accouche. Cependant cette scène d’indigestion est annonciatrice de l’invasion qui va suivre. Les boyaux de l’astronaute sont mis en parallèle avec les boyaux d’accès du vaisseau spatial. Après avoir pris possession du corps de l’astronaute, le parasite va se diffuser dans l’ensemble du réseau de l’appareil détruisant les humains qu’il rencontre au passage. Il y a une morale alimentaire ascétique derrière cette propagation du parasite. C’est qu’avant son indigestion, les astronautes ont remarqué que Kane mangeait beaucoup. Il nourrissait le monstre en même temps que lui-même et ainsi a transmis son parasite à tout le monde. Moralité pour éviter l’invasion des aliens : une diète sévère est préconisée.

Signalons aussi l’édition vidéo de The rover de David Michôd, sorti sur les écrans en juillet et que nous avons chroniqué il y a deux mois.

Citons ensuite, pour l’anecdote, la sortie vidéo d’Affreux sales et méchants (1976) d’Ettore Scola. Situé dans un bidonville italien, le film nous montre la dégustation par le patriarche familial de son plat préféré : la queue de vache.

Plus consistante est la sortie d’Un roi à New York (1957), l’avant-dernier long métrage de Charles Chaplin. S’il n’a jamais fait de film ayant pour unique sujet la cuisine, la gastronomie, Charles Chaplin est un des rares cinéastes à avoir au moins une scène alimentaire importante dans chacun de ses longs métrages. Dans Un roi à New York, il parle de la communication autour de l’alimentation. Nous sommes en 1957, avènement de la télévision et du rock n’roll. Le niveau sonore du rock vaut une scène amusante dans un restaurant où Chaplin, alias le roi Shahdov, n’arrive pas à passer commande à cause de la musique. Le serveur ne l’entend pas, alors le roi mime ce qu’il veut : soupe de tortue et caviar. C’est un clin d’œil au grand acteur du muet qu’était Chaplin. Langage universel, le mime n’arrive cependant pas à se faire comprendre du garçon. Le rock n’roll créait alors beaucoup d’incompréhension entre les générations. Mais c’est sur la télévision que Chaplin insiste. Pour pouvoir assurer son train de vie, le roi Shahdov est obligé de faire de la publicité pour du whisky ; une publicité en direct qui tourne au burlesque, puisque le roi crache aussitôt le breuvage, le trouvant infect, alors que la caméra tourne encore. La publicité fera rire et la marque sera satisfaite des résultats. Chaplin critique le monde des médias, ses méthodes pour faire consommer n’importe quoi, mais aussi les critères de choix des consommateurs.

Autre sortie importante, celle de Fahrenheit 451 (1966), d’après le roman de Ray Bradbury, en hommage aux trente ans de la disparition de François Truffaut. Dans ce film, Linda Montag ne consomme pas d’aliments, mais des pilules et des gélules. Elle n’a pas de pathologie définie, mais soigne son humeur : elle oscille entre les tranquillisants n°8 et les pilules rouges stimulant n°2. Ces pilules ne la nourrissent pas, mais ce film de science-fiction se situe dans un monde où la faim n’existe plus et où le règlement de l’humeur ne passe plus par les aliments, mais par les médicaments. De plus, avec les travaux de la seconde moitié du XXe siècle sur l’alimentation des cosmonautes et leur transcription à l’écran (dès 1955, avec La conquête de l’espace de Byron Haskin), la gélule est apparue comme un moyen de concentrer la nourriture et de résoudre en une fraction de seconde les besoins physiologiques de la journée. Fahrenheit 451 fait passer la gélule de la table du cosmonaute à celle du quotidien. Ce que raconte le film, c’est que régler ses humeurs par les médicaments plutôt que par l’aliment étouffe la sensibilité. Le seul moment où Linda retrouve de la joie, c’est suite au lavage d’estomac dû à ses abus de médicaments. Linda redécouvre la faim et les sensations. Au reste, Linda n’est pas la seule à manger peu. Son mari Guy, on ne le voit guère que boire un verre de lait et de jus d’orange. Il ne touche pas aux fruits qui sont dans la cuisine. Il n’a pas besoin de pilules, en revanche il est pompier. Dans le futur de Fahrenheit 451, les pompiers brûlent les livres : pas de livres, pas d’états d’âme. Sans esprit didactique, le film met en parallèle la disparition et des livres et des aliments. Le film aura de l’influence, puisque cinq ans plus tard le futur réalisateur de La guerre des étoiles, George Lucas, tournera THX 1138 décrivant un futur totalitaire où hommes comme femmes ne s’alimentent que de gélules pour maintenir leur équilibre chimique.