Les recettes du BONHEUR

 

 

Les Recettes du BONHEUR  

Réalisateur: Lasse Hallström  

Billet de Vincent Chenille  

 

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Les recettes du bonheur raconte l’histoire d’une famille de cuisiniers en Inde, depuis plusieurs générations, dont le restaurant est incendié, après une élection, par des opposants au vainqueur du scrutin.

La famille décide d’émigrer et choisit le Massif central comme terre d’installation, car elle y trouve autant d’authenticité dans les produits qu’en Inde. Ils établissent donc un restaurant indien et n’hésitent pas à le placer en face d’un autre restaurant étoilé, celui-ci de cuisine française. L’établissement huppé déclarera la guerre à l’Indien (qui répliquera) le privant de l’approvisionnement du marché, demandant des arrêtés d’interdiction au maire pour tapage ou devanture non réglementaire. Cela n’empêchera pas le restaurant indien d’avoir du succès et cela malgré la réputation de l’établissement français.

Un incendie xénophobe scellera la paix entre les deux établissements. Le chef indien Hassan, curieux de la cuisine française, viendra se former dans le restaurant rival et lui permettra d’obtenir sa seconde étoile. Envoyé à Paris, avec la bénédiction de tous, pour s’initier à la cuisine moléculaire, il y obtiendra sa troisième étoile, mais décidera de retourner dans le Massif central, car il s’ennuie à Paris pour une seule raison : il ne trouve pas l’authenticité du terroir dans la capitale. Certes il y revient aussi pour retrouver Marguerite, la sous-chef du restaurant. Mais Marguerite, c’est le terroir : c’est elle qui a accueilli la famille indienne et lui a fait goûter les produits bio qu’elle cultive ; c’est elle aussi qui a initié Hassan à la cueillette des champignons. De retour à Saint-Antonin-Noble-Val, le chef indien retrouvera donc Marguerite, son terroir, son bonheur, avec en poche, en prime, les trois étoiles, c’est-à-dire la réussite. Il aura donc le beurre et l’argent du beurre. Les recettes du bonheur est un film bien fait, car il a l’habileté de mêler tous les thèmes que l’on peut trouver de façon isolée dans les films de fiction qui traitent de gastronomie, avec, au cœur, la question de la mondialisation : la concurrence internationale, la préservation du terroir dans un monde sans frontières, son corollaire de préservation ou d‘évolution du goût, l’intégration des populations étrangères à travers l’alimentation, et, à la clé, les rapports entre cuisine et politique. Tout cela est présent dans le film et, si tout finit harmonieusement, le parcours pour y arriver présente une réalité biaisée. Le film présente la xénophobie française comme une expression de la médiocrité qui ne supporte pas la concurrence. Ainsi, c’est le chef étoilé qui va incendier le restaurant indien et y inscrire « La France aux Français » car l’Indien attire du monde et la qualité de sa cuisine y est appréciée. Il montre aussi comment ce nationalisme est un outil commercial dans la lutte que mène Mme Mallory pour lutter dans un environnement concurrentiel, afin d’obtenir une étoile supplémentaire. Poussant l’excellence jusqu’à refuser une asperge trop molle, elle n’hésite pas à répandre l’idée que la cuisine indienne n’est pas civilisée (à cause de l’usage abondant d’épices).

Curieusement, elle commence à assaillir son concurrent avant qu’il n’ait ouvert, preuve d’un esprit commercial acharné. Elle ira jusqu’à dénigrer un pigeon aux truffes réalisé par Hassan, alors qu’elle sait qu’il est bon, uniquement par stratégie commerciale. Mais le fond de sa pensée ne résistera pas à l’incendie du restaurant et à l’inscription xénophobe. Elle renverra son chef étoilé et ira expier en nettoyant l’inscription. Elle engagera Hassan, qui introduira un peu d’épices dans la cuisine française.

L’idée du film est que dans un environnement mondialisé les cuisines doivent s’ouvrir et se mêler, que ce n’est pas la nationalité d’une cuisine qui en fait sa qualité, mais la compétence du cuisinier et son terroir, la qualité de ses produits.

C’est le cuisinier Hassan qui est porteur de toutes ces valeurs : il introduit le vin dans la cuisine indienne et les épices dans la cuisine française et il est amoureux de Marguerite, du terroir. On pourrait presque croire à la sincérité de la démarche, si Hassan ne choisissait de quitter (provisoirement) son terroir pour aller à Paris et revenir avec une troisième étoile, bardé d’un label national à travers la capitale. Un film sympathique, avec de bons acteurs (mention spéciale à Om Puri, qui joue le père de famille), mais il vaut mieux éviter d’en être dupe.