Opération casse-noisettes
Réalisateur : Peter Lepeniotis
Billet de Vincent Chenille
Ce dessin animé raconte les problèmes d’approvisionnement alimentaire rencontrés par les petits animaux d’un parc à New York. Les écureuils Roublard, Grison et Roussette, ainsi que le raton laveur, chef de la tribu, en sont les protagonistes principaux. La tribu partage les ressources alimentaires dans un chêne, à l’exception de Roublard qui joue en franc-tireur. Voulant devancer la tribu en la matière, il va piller un marchand de noisettes. Mais les conséquences en seront l’incendie du chêne par le magasin ambulant du marchand. Roublard sera alors banni de la communauté et devra se débrouiller dans la jungle des villes, hors du jardin. Après des moments difficiles, se retrouvant face à des rats, il finira par trouver l’entrepôt du marchand de noisettes. Mais il devra négocier entre sa part et celle revenant à la communauté, avec Roussette et Grison, qui ont eux aussi découvert la boutique.
Il ne faut pas s’attendre, dans Opération casse-noisette, à des images nombreuses et diverses d’aliments, comme celles des dessins animés Ratatouille ou Tempête de boulettes géantes. Roublard évoque bien les noisettes, cacahuètes, pistaches et autres fruits secs, mais on ne voit guère que des cacahuètes comme aliments dans le film (ainsi qu’un donut consommé par un policier humain). Le propos n’est pas gastronomique, mais alimentaire : il s’agit de pallier une famine et non de contenter son palais. L’alimentation y est choisie pour tenir un discours politique. Il y a tout d’abord un discours de morale civique, classique. Les talents, tels que celui de Roublard pour dénicher les filons alimentaires, doivent se mettre au service de la collectivité. Roublard, qui accepte l’isolement que lui impose le groupe, finira par travailler pour la communauté, la faisant profiter de ses talents non par compassion ou sentiment identitaire, mais parce qu’il a trouvé en Roussette un être débrouillard, qui lui plaît. Et Roussette se trouve être attachée au groupe par compassion. C’est la morale par l’amour qui finit par rattacher Roublard au groupe. Et l’opinion que l’on se fait de Roublard se modifie en conséquence. Au début, pour souligner son côté voyou, son projet de vol alimentaire est mis en parallèle avec une bande d’humains qui préparent un hold-up. Mais l’évolution de l’écureuil va l’amener à s’opposer aux cambrioleurs, car ce sont eux qui tiennent le magasin de noisettes. Ce n’est pas un voleur, il fait cela pour manger. Le renégat va se retrouver justicier. A ce carrefour, c’est un autre animal qui va se trouver en parallèle avec les bandits : le raton laveur, le chef de la communauté. Le message proprement politique se trouve là, car c’est le citoyen qui est interpellé et qui peut agir. Le raton laveur a organisé la famine. Il fait croire que les réserves sont épuisées, alors que ce n’est pas vrai, afin d’obliger la communauté à trouver d’autres ressources alimentaires et, de son côté, utiliser les réserves de façon frauduleuse, en cheville avec des bandits (des rats notamment). Donc le vol est du côté du représentant politique de la communauté, qui fait travailler les animaux sans qu’ils profitent du fruit de leurs efforts. C’est là une distinction de taille, car si le thème de la faim est présent dans les films américains depuis la crise financière de 2007, avec Hunger Games, Noé, jamais le pouvoir politique n’avait été accusé d’organiser la faim. Le problème se trouvait plutôt du côté de l’économie et de la finance. Ce qui classe Opération casse-noisette du côté républicain avec un héros individualiste (Roublard) et une critique de l’impôt, alors que les autres films étaient plutôt radicaux. Transposé aux humain, la fable suggère qu’il n’y a pas de crise financière et que les problèmes de déficits publics ne sont liés qu’à des politiciens qui s’en mettent plein les poches. Et Roublard, qui a un talent pour les schémas, les poulies, les dispositifs, représente l’aspect ingénieux de l’entreprise.