Hérédités alimentaires et identité gastronomique

 

Suis-je réellement ce que je mange ?  

Auteur : Kilien Stengel  

Editeur: Éditions L’Harmattan, collection Questions alimentaires et gastronomiques, 2014 

 

Billet de Marie-Claude Maddaloni.  

 

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Kilien Stengel a travaillé dans le domaine de l’hôtellerie-restauration avant d’intégrer l’équipe de l’Institut européen d’histoire et des cultures de l’alimentation à l’Université François-Rabelais de Tours. Son ouvrage est une réflexion, conduite à haute voix, pourrait-on dire, autour de « l’identité gastronomique » de chacun de nous. En effet, Kilien Stengel nous interpelle, nous pose des questions, nous amène à fouiller dans nos souvenirs d’enfance pour y retrouver les « parfums, saveurs, textures, couleurs, impressions et plaisirs » afin de faire face « aux impressions néfastes de l’impressionnant monde adulte. »

Quel est « votre patrimoine alimentaire immatériel » ? Question essentielle, car pour Kilien Stengel, « la mémoire et l’héritage familial jouent un rôle fondamental dans la construction de l’individu mangeur ». Mais ce patrimoine, nécessaire, n’est pas suffisant pour construire « votre [propre] art du bien-manger et du bien-boire » et pour répondre à la question : « Comment devenir gastronome ? ».

Alors, conseille Kilien Stengel : « prenez un crayon et laissez les saveurs, les couleurs, les olfactions du fond de votre mémoire guider vos mots…tirez-en une bible personnelle de vos confrontations avec le passé et de vos confortations avec votre esprit et votre corps ». Ainsi va se construire « votre véritable personnalité de table », « votre identité gastronomique ». Pour autant, cette « passion gourmande » ne doit pas se transformer en déséquilibre gourmand. « Mais alors qui définit l’exagération et la frontière alimentaire ? ». Kilien Stengel met en garde, en faisant également un détour par la philosophie, contre toute idée préconçue : « Une fois pour toutes, il faut renoncer à cette illusion d’une « bonne » cuisine française…Le « bon » n’existe que par la définition personnelle que chacun lui porte ».

Il s’agit donc pour Kilien Stengel de « manger responsable », grâce à « l’observation et la connaissance des diversités des produits, des recettes, des cultures alimentaires et des goûts d’autrui ». Seule, cette prise de conscience, certainement soutenue par un projet institutionnel de transmission des connaissances (peut-être utopique mais pas impossible pour l’auteur), pourra faire cohabiter ses propres attentes gustatives et celles des autres. À la lecture de cet ouvrage, on ressent à chaque ligne le plaisir qu’éprouve Kilien Stengel à transmettre au lecteur comme certainement à ses étudiants, à l’université, le goût et la force de « penser sa nourriture ».