À l’entrée de l’exposition, l’installation de l’artiste franco-béninois Julien Vignikin intitulée « Dîner des fantômes » (2012), interroge le visiteur sur la « malbouffe » dans les pays émergents.
On aborde, ensuite, l’exposition elle-même qui s’attache à évoquer les traditions culinaires en Afrique subsaharienne, Insulinde et Océanie.
C’est vaste, très vaste, mais le parcours est d’une telle fluidité et les objets d’une telle beauté que ce voyage à travers ces continents en devient presque initiatique. Où que l’on soit, les réjouissances, les cérémonies rituelles, les fêtes ou simplement le quotidien sont « indissociables d’objets particuliers dont les formes et les matériaux sont extrêmement divers » et qui peuvent être d’un très grand raffinement. Comme ces bols pour partager la bière de riz aux Philippines ou ces calebasses ouvragées (dont une, splendide, emperlée) pour servir le vin de palme en Afrique subsaharienne.
Partout, masques et statuettes accompagnent les offrandes pour favoriser la fertilité des terres et l’abondance des récoltes. Ainsi le riz possède-t-il aux Philippines sa divinité protectrice (« bululi ») ou, en Côte d’Ivoire, ses grandes cuillers pour être dispersé au cours des processions.
« Il n’est pas d’hospitalité, de fêtes ou de rituels sans utilisation de produits stimulants ». En Indonésie et en Océanie, on mâche le bétel, on boit du kava. On a donc besoin de mortiers, de pilons, de spatules, de coupelles. Mais pour atteindre cet état d’euphorie, il faut que ces objets soient beaux.
Plus loin, on découvre l’importance du couvercle. Que cachent les couvercles des pots, en Angola ou en République démocratique du Congo ? Des proverbes. Chez les Dogon, les réceptacles dotés de couvercles sont réservés aux « Hogon », personnages aux responsabilités rituelles.
Il n’y a pas que les vivants qui ont besoin de nourriture. « Pour se concilier les créatures de l’autre monde, divinités et ancêtres disparus, il faut aussi les nourrir ». Alcool, céréales, sang d’animaux sont présentés dans de magnifiques récipients sculptés. Souvent, ce sont des statuettes qui portent ces récipients. Et en Indonésie ces porteurs de coupe expriment également une marque d’hospitalité.
Un chapitre de l’exposition est consacré au thème « Manger l’autre ». Les rituels d’anthropophagie auxquels sont attachés des objets extrêmement divers permettent, à certains moments de la vie des individus, d’incorporer la force vitale d’autrui.
Manger est un art. Cette exposition en témoigne de manière éclatante.