Vous vous rendez compte ! Des enfants en petite section de maternelle ne savent pas mâcher, tenir un couteau ou une fourchette ni rester à table, témoigne une personne en charge des affaires scolaires dans une petite ville de province *. Tout en déclarant ne pas vouloir porter de jugement de valeur, elle constate tout de même que leurs parents, estimés trentenaires ne veulent plus se compliquer la vie pour les repas, certains laissant même leurs enfants prendre un biberon jusqu’à 4 ans. Heureusement des adultes éducateurs, présents dans le milieu scolaire, reprennent tout cela en main et s’évertuent à leur apprendre les bonnes manières. Les parents, faisant sans doute partie de cette génération qualifiée de Y, sont-ils démissionnaires et/ou laxistes pour autant ? Cette question soulève un débat très intéressant mais laissons les sociologues s’y attarder plus pertinemment et revenons à nos chers petits bouts de chou : les adultes l’ont sans doute bien oublié maintenant mais être petit et faire ses armes pour être intégré dans la société n’est pas une mince affaire ! L’acte alimentaire est une cible croisée de tant de règles, de symbolismes et de convoitises. Il y a de quoi être déstabilisé, hésitant voire réfractaire. Allons, un peu de courage et avouons-le : qui ne s’est pas réfugié - au-moins 1 fois dans sa vie sinon plus - vers une nourriture à valeur uniquement réconfortante tel un doudou et cela sans forcément utiliser des couverts tout en connaissant les règles de bienséance, nutritionnelles et médicales en cours ? Ces petits, pointés du doigt, peuvent aussi être confrontés à des problèmes de codes : à la maison, cela se passe d’une certaine façon mais à la cantine, c’est autre chose ; compliquons un peu. Cela peut être encore différent avec leurs grands-parents, dans la famille élargie ou chez des amis. Dans leurs espaces de loisirs, il y a des « endroits » où on ne mange surtout pas avec une fourchette ou bien le livreur n’apporte que des grandes boîtes qui sentent très bon, sans avoir besoin de faire de vaisselle après. Au bout du compte, 10 petits doigts ne suffisent peut-être pas pour compter les différentes façons de manger mais savoir les reconnaître et les nommer est déjà une étape vers la connaissance et la maîtrise. Connaître et appliquer les bons codes à la cantine n’est pas encore une matière scolaire à part entière, les agents de service et le chef restent des référents amicaux et bienveillants et manger demeure ou devient un acte naturel et agréable ; les codes, eux, risquent de changer encore un peu.
* Référence à l’article paru dans Cuisine Collective Février 2015 N° 278 -Page 13-