Le corps mystique : Hungry hearts

 

Hungry hearts  

 

Réalisateur: Saverio Costanzo  

Billet de: Vincent Chenille 

 

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Après des films comme Noé ou Le parfum de la carotte, qui faisaient la promotion de la consommation végétarienne, il était logique de voir s’affronter herbivores et carnivores. Dans Hungry hearts, ils s’affrontent autour d’un nouveau-né, sur la façon de le nourrir. En toute logique, c’est la mère qui défend le courant végétarien, alors que le père est du côté de celui de la viande. Le film penche en faveur du père, qui, pour finir, se retrouvera avec la garde de l’enfant. Au reste, le père se montre a priori moins sectaire, car il laisse au départ sa femme nourrir l’enfant comme elle le souhaite. Cependant, le fait que son fils ne grossisse pas et ne grandisse pas le pousse à l’emmener chez le médecin, malgré l’opposition de son épouse. La femme est une végétarienne au sens strict, puisqu’elle est même végétalienne : elle refuse les produits issus des animaux, comme les œufs et le lait. Elle nourrit son fils avec des oléagineux, de l’avocat écrasé. Malgré le diagnostic du médecin - rachitisme - elle continuera à nourrir son fils de la sorte. Et lorsque le père nourrira clandestinement le bébé avec des extraits de volaille et de veau, pour le sauver de son rachitisme, elle fera absorber des huiles à son fils pour l’empêcher de digérer la viande.


Pour autant le film ne se présente pas comme misogyne. C’est la grand-mère qui s’opposera frontalement à la mère pour sauver son petit-fils. Le film ne donne pas une seule explication au comportement de la mère, mais plusieurs : la première est d’ordre diététique, pour purifier le corps de l’enfant. La seconde est d’ordre religieux. La mère qualifie son fils d’enfant indigo. Il s’agit d’une croyance des religions du Nouvel Age, concernant l’existence d’enfants élus dégageant une aura couleur indigo. Il y a une explication également de compassion vis-à-vis des animaux. Alors qu’elle est enceinte, la mère fait le rêve d’un cerf tué par un chasseur, et le considère comme prémonitoire. Elle a donc un régime végétalien dès sa grossesse.


Le fait de ne pas donner une explication plus qu’une autre a pour conséquence que le souci diététique, la croyance religieuse et l’empathie animalière sont mis dans un même sac comme étant susceptibles de provoquer des dérives alimentaires. L’explication animiste peut facilement être écartée étant donné que la mère met à l’index d’autres aliments que ceux associés à l’animal (le médecin recommande de donner des légumes à l’enfant). C’est le fait même de manger qui semble lui poser problème, car non seulement le choix est restreint, mais la quantité également (elle n’essaie pas de compenser le manque de protéines animales par beaucoup de végétaux). Et ceci corrobore une dernière explication donnée dans le film. « Elle est folle », dit la grand-mère. Le jugement est tranché, mais il a le mérite de mettre en lumière d’autres comportements de ce personnage, et cela dès le début du film. Elle est incommodée par l’odeur sortant des toilettes de son futur mari. Chose assez commune, mais ceci s’ajoute au fait qu’en coupl,e elle refuse qu’il jouisse en elle (vous avez compris que c’est un film qui concerne les enfants, mais qui n’est pas pour les enfants). Enfin, elle refuse toute césarienne au moment de son accouchement. Elle est obsédée par sa pureté intérieure et craint tout ce qui pourrait la polluer. Cette explication psychologique peut s’appuyer sur un vécu, un problème parental, même s’il n’est pas détaillé dans le film : elle n’a pas connu sa mère et ne s’entend pas avec son père, qu’elle ne voit plus. C’est l’explication la plus plausible, la plus rationnelle, mais le film n’est absolument pas didactique. Aussi la diététique, le mysticisme, l’animisme ne sont pas exclus. Si la mère est séduite par ces théories c’est qu’elles apportent une légitimité rationnelle ou pseudo scientifique à sa névrose. Une légitimité qui emporte au départ, si ce n’est l’approbation, au moins l’acceptation du père jusqu’au malaise. Pour l’auteur, le sectarisme est à même de séduire les cerveaux les plus fragiles psychologiquement.